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Au fil des quatre dernières décénies, nombre de politiciens ont martelé un discours pronant que la prohibition tiendrait les drogues loin de la portée des jeunes. Cependant, comme nous avons pu l’observer, la situation inverse s’est produite et les taux d’usage de substances illicites sont plus hauts que jamais. Les jeunes canadiens dominent actuellement les palmares de consommation du cannabis au sein des régions développées. Il est enthousiasmant de voir que le Canada sera une figure de proue en introduisant une législation légalisant l’usage récréatif de cannabis au printemps 2017. La question est maintenant de savoir comment ce changement sera concrètement effectué. La contribution de la jeunesse sera utile dans la définition de cette législation, et nous pensons que notre voix doit être prise en considération sur le plan politique.
Au Canada, la prohibition a mené à créer des situations bien plus préjudiciables pour les jeunes qu’avant toute forme de régulation. Le sujet doit également être abordé de manière globale, puisque les risques qui en découlent sont multiples et variés. De telles politiques drastiques de tolérance zéro, tentant de réduire l’offre et la demande de substances, n’ont réduit ni l’accès, ni la consommation desdites substances. De plus, les conséquences qui découlent de ces politiques dépendent des caractéristiques individuelles des personnes touchées. On pense notamment à l’âge, au sexe, aux caractéristiques socio-économiques ou encore aux caractéristiques géographiques des individus. La prohibition a détruit des familles en criminalisant les jeunes et ont subséquemment limité les opportunités d’emploi de ces jeunes. Ces derniers ont également du faire face à des barrières dans l’accès au cannabis médical, se faisant parfois accuser d’essayer de contourner le système. La prohibition a également généré la prolifération d’informations éronnées sur les drogues, ce qui a conséquemment mené à des usages risqués, et freiné voire empêché l’accès aux services sociaux lorsque nécessaires. De plus, la prohibition a forcé les utilisateurs à se procurer du cannabis issu du marché noir et à se tourner vers de nouvelles substances parfois inconnues et dangereuses, comme les cannabinoïdes synthétiques ou “spice”.
Avoir accès à de l’information sur les drogues n’encourage pas l’usage, mais permet de réduire les risques liés à la consommation. La sentence est tombée pour les programmes comme “Just Say No” des années 80, et le programme D.A.R.E des années 90, qui ont été au mieux inefficaces. Par conséquent, CSSDP demande la mise en place d’une nouvelle approche qui met l’emphase sur la santé publique. Il faut appliquer des stratégies coordonnées et multisectorielles (CAMH, 2014). Nous ne nions pas que la seule façon d’éviter tout risque est de ne pas consommer de cannabis, mais nous devons respecter les choix individuels et nous faire à l’idée que la consommation de substances psychoactives existera toujours. Nous aimerions conséquemment voir un véritable engagement envers des politiques de prévention réalistes autour du cannabis, afin de remplacer les discours uniquement basés sur l’abstinence et sur la peur que bon nombre d’entre nous avons reçus à l’école. La Colombie Britannique est la première province à introduire dans son curriculum un programme qui met l’emphase sur la réduction des méfaits ; plutot que d’enseigner aux jeunes à craindre les drogues, le programme vise à enseigner comment fonctionner dans une société où les drogues sont utilisées. Nous militons pour la mise en place d’un programme national similaire au programme Iminds de Colombie Britannique, qui soit basé sur des faits et non sur une idéologie. Les années qui suivront la légalisation seront très importantes afin d’informer le public sur les manières de réduire les méfaits liés à l’usage du cannabis, et en tant que jeunes ayant grandi avec la prohibition, nous pouvons offrir de préciseuses indications.
Nous devons créer de nouvelles normes sociales autour de l’usage légal et responsable du cannabis. Il sera important de s’assurer de ne pas reproduire la même “culture d’utilisation” que celle que nous avons actuellement avec l’alcool, et qui devient de plus en plus hors de contrôle (Fallu, 2016). Nous savons que ce qui fonctionne est d’ouvrir une discussion constructive et productive, qui prend en considération l’expérimentation de substances et qui fourni des informations et outils afin d’aider les jeunes à gérer leur consommation peu importe les substances qu’ils rencontrent.
Il est également important que la prochaine réforme prenne en considération les groupes particulièrement à risque. Par exemple, certaines preuves suggèrent que le cannabis pourrait contribuer au déclenchement précoce de problématiques de schizophrénie chez les individus ayant une prédisposition au développement de cette problématique. La recherche doit être maintenue, encadrée, et prise en considération. La question de la prescription médicale doit également être mise de l’avant. Indépendemment de l’âge légal de consommation du cannabis, les parents devraient être en mesure de prendre la décision concernant l’usage du cannabis médical pour leurs enfants, s’ils considèrent que la substance pourrait leur être utile. Par conséquent, des aspects comme la production, la vente et la publicité autour de la substance devront être strictement réglementés.
Bien que sachant que certaines études ont démontré des effets délétaires du cannabis pour le cerveau chez les jeunes de moins de 25 ans, nous pensons qu’il s’agit d’un âge trop tardif comme critère d’accéssibilité dans la légalisation du cannabis. Si nous prenons en considération que la majorité des personnes qui expérimentent le cannabis ont entre 15 et 25 ans, il sera important de considérer cette donnée démographique dans la légalisation du produit. L’âge légal devrait être le reflet de la capacité individuelle à prendre des décisions informées plutôt que de se baser sur l’évaluation de la relative sécurité de consommation. Néanmoins, la commission Le Dain s’est quant à elle pronnoncée sur l’établissement de l’âge légal à 16 and. Il peut être utile d’explorer les options d’un âge légal plus bas afin d’éviter la continuité d’existence de marchés souterrains et des risques qui y sont associés pour les jeunes n’ayant pas atteint leur majorité.
Nous nous positionnons avec bon nombre d’organisations et de personnes afin de demander la cessation immédiate des arrestations pour possession de cannabis. Comment le gouvernement peut il continuer à regarder de telles lois draconniennes continuer à ruiner les chances de jeunes et limites leurs opportunités, quand le Premier Ministre s’est lui-même positionné pour dire que les lois en vigueur sont plus préjudiciables que la substance elle-même, sans parler de sa propre consommation dans les précédentes années. Au Canada, plus de 22 000 inculpation pour possession de cannabis ont été portées en 2014, une statistique déclarées choquante par le Secrétaire du Parlement Mr Bill Blair. Par ailleurs, les lois en vigueur affectent disproportionnellement les groupes minoritaires et il est fort possible que dans la prochaine année, avant que la nouvelle législation entre en vigueur, un certain nombre de jeunes reçoivent un casier judiciaire pour possession de cannabis. Selon Statistiques Canada, 24% des personnes accusées pour des crimes reliés au cannabis sont des jeunes. Nous ne pouvons laisser à la discretion des tribunaux de décider si oui ou non d’autres jeunes devront vivre avec les impacts d’un casier judiciaire. Nous comprenons que le chemin sera difficile pour le gouvernement en ce qui concerne la légalisation, mais nous l’exhortons de mettre en place un moratoire sur les arrestation pendant le temps de sa réflexion. Si une modification au Code Criminel ne peut se faire en un claquement de doigts, nous prions instamment le gouverment de demander à la GRC de déprioriser la section de la Loi réglementant les drogues et autres substances qui traite de la possession simple de cannabis.
La légalisation du cannabis serait une façon de concevoir le tunnel, et oui, il existe bien une lumière. Mais ne nous enthousiasmons pas trop vite, parce que le tunnel pourrait être plus long que nous ne l’avions cru au départ. C’est une discussion beaucoup plus globale que nous devons, et allons entamer. La question de la légalisation en est une avant tout de droits humains et de bien-être. Nous allons ouvrir de nombreuses portes menant à des discussions que nous avons refoulées ou simplifiées depuis les dernières décénies.
Nous sommes conscient que la solution exacte en terme de politique ne sera pas mise en place au printemps 2017. Il faudra effectuer beaucoup de suivi, et réaliser des réajustements au fil du temps. Nous pouvons d’ores et déjà prendre exemple sur les apprentissages tirés de la régulation de l’alcool et du tabac. Nous ne devons cependant pas limiter notre processus réflexif à ces deux modèles puisque le cannabis est une substance différente qui est déjà entourrée de sa propre “culture”.
Nous avons entendu beaucoup de discours parler de “protéger la jeunesse” au fil des dernières décénies. Pourtant, nous ne sommes pas convaincus que les gouvernements souhaitent réellement écouter ce que les jeunes ont à dire. Par exemple, lors de la récente Session Spéciale des Nations Unies sur la drogue cette année à New York, nos délégués ont pu faire l’expérience de cette déconnexion. Un certain nombre de représentants de CSSDP se sont vu refuser l’accès à un des panels, bien qu’ils disposent de laissez-passer adéquats, et que la salle dans laquelle se déroule le panel soit relativement vide. Ironiquement, ce panel s’intitulait “ écouter les besoins des enfants et des jeunes est la première étape pour les aider à grandir en santé et en sécurité” (traduction libre), et malgré avoir fait tout ce qui était nécessaire pour y assister, nous nous sommes vu bloquer l’accès à la session. Par ailleurs, notre représentant des élèves au secondaire a rapporté s’être fait vérifier deux à trois fois ses laissez-passer par la sécurité alors qu’il lui paraissait que les adultes autour de lui n’avaient pas à se plier à un tel traitement. Nous devons faire en sorte d’inclure la participation des jeunes de manière significative à l’intérieur de la progression de la légalisation. Nous aimerions voir la voix de la jeunesse représentée et souhaiterions soumettre des recommandations en conséquence. Nous sommes les héritiers du monde de demain, alors laissez-nous au moins le façonner.

Amelie Roulet
Co-Chair
A soon-to-be social worker finishing her degree at Université de Montréal, Amelie volunteers with GRIP Montréal on their drug checking project, and is founding member and chapter leader at ECPESP Université de Montréal, CSSDP’s first francophone chapter. Find out more.

Michelle Theissen
Treasurer
An Honours graduate with a Psychology B.A. from the University of British Columbia, Michelle will begin her Masters in Clinical Psychology in fall 2016, continuing her research examining the motivations and outcomes of recreational and therapeutic use of cannabis and psychedelics. Find out more.
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